Se réapproprier son corps grâce aux tatouages

You are currently viewing Se réapproprier son corps grâce aux tatouages

Bien sûr, ce que je vais vous écrire aujourd’hui résulte d’un gros recul dont je n’étais pas consciente à l’époque !

Vous auriez totalement raison de me dire qu’à l’époque je voulais des tatouages pour me démarquer, pour montrer ce côté « rebelle » qui ne se voyait pas physiquement sur moi. Vous auriez raison et en même temps vous seriez encore tellement loin de la vérité.

Parce qu’aujourd’hui je sais que les tatouages m’ont certes permis de me démarquer (à tort ou à raison) mais surtout m’ont permis une (ré)appropriation de mon corps après des trauma sexuels plus ou moins conscientisés.

Comment un tatouage peut-il aider à aimer son corps ?

J’ai toujours voulu un tatouage, peut-être depuis mes 13 ou 14 ans. Ma sœur en avait et pour moi elle était totalement badass : gothique, rebelle, elle écoute du métal et c’était pour moi le reflet parfait de la personne que je voulais être plus tard ! Elle ne semblait avoir peur de rien ni de personne !

Bien sûr j’avais tort mais mes  yeux de petite fille ne voyait que cette carapace extérieure qu’elle avait elle-même construit suite à des années d’abus et de traumatisme.

Il m’a fallu beaucoup de temps pour passer le pas (l’année de mes 18 ans en fait) parce que : 

  • j’avais peur des aiguilles
  • se tatouer me reliait directement à ma sœur qui était clairement l’antéchrist d’un point de vue familial

Il a donc fallut que je m’émancipe (par la force) à mes 18 ans pour tenter une nouvelle vie loin d’être parfaite mais où j’ai pu commencer à appréhender le monde. Et alors j’ai eu ce déclic à une date un peu particulière de me dire « aller c’est maintenant !« . Ce n’était plus une envie, c’était littéralement un besoin viscéral de me faire encrer quelque chose dans la peau.

Comment faire quand on déteste son corps ?

Je me suis toujours détestée.

Du plus loin que je me souvienne je me haïssais. Il y a même une période de ma vie d’un an ou deux où je ne supportais pas de passer devant un miroir et de voir mon visage. J’ai su bien plus tard que c’était lié à mon trouble dissociatif post traumatique qui entraine des phases où on ne se reconnait plus.

Au delà de mon visage, mon corps même me répugnait. Le mot est fort mais encore tellement loin de ce que je ressentais à l’époque. Le corps féminin pour moi c’était un corps moche, repoussant. Enfin surtout le mien.

J’avais cette image des corps parfaits que l’on idéalise et le mien était loin d’être idéal : peu de formes, petite, je n’avais vraiment rien d’exceptionnel. J’ai toujours été repoussée physiquement à l’école mais ça j’y reviendrai plus tard. Le plus important c’est que le mal être ai pris une telle place dans ma vie que je ne supportait plus les reflets, quels qu’ils soient. Que je pouvais passer des heures à me dévisager dans le miroir sans me reconnaître et n’y voir qu’un visage affreux qui me fixait d’un regard vide. (coucou le trouble dissociatif)

Le premier tatouage d'une longue série...

Quand j’ai passé le pas de mon premier tatouage, j’étais super stressée. Honnêtement j’avais l’impression de devenir badass alors que je faisais littéralement quelque chose de minuscule. (Promis c’était pas un symbole de l’infini).

Je me rappelle avoir choisi avec précautions mes vêtements, mes chaussures et ma coiffure pour aller au salon de tatouage et me donner cette légitimité de dire que moi aussi je suis assez forte pour endurer la douleur. Honnêtement la tatoueuse a dû bien rire à l’époque et se dire que j’étais encore une jeunette qui voulait se donner des airs de rebelle pour rien et qui allait regretter son tatouage d’ici quelques années.

Heureusement pour moi, pour l’instant je ne le regrette pas ! Les suivants non plus d’ailleurs puisque cela fait maintenant 6 ans et que j’en ai 8 à mon actif ! J’ai depuis fait bien plus gros, des séances bien plus longues et surtout : maintenant j’y vais en jogging et peu importe d’avoir l’air légitime ou non d’appartenir à un groupe de rebelles assumé.es !

Un changement de regard sur le corps

Je n’ai pas réalisé tout de suite ce que j’étais en train de faire, je pense qu’il m’a bien fallu 4 ans pour le faire. J’ai de suite passé le pas et j’en ai rapidement fait deux voire trois par an ! Finalement ça ne faisait pas si mal et surtout ça me permettait d’encrer des concepts ou des étapes de ma vie que je ne voulais pas oublier.

Exit cette mode des tatouages à se faire des concepts insignifiants : je voulais de la qualité, de la perfection et surtout de l’émotionnel que je n’allais pas regretter. Plus je me faisais tatouer, moins j’avais de mal à me regarder nue. En fait, petit à petit ça devenait « ok » puisque ma peau était recouverte par de l’encre et de la couleur. Finalement c’était toujours moi mais un moi « habillé » de choses que j’avais choisi délibérément. 

Et j’ai eu cette « révélation » quelques années plus tard quand j’ai commencé à creuser la piste des trauma sexuels qu’en fait je n’avais jamais aimé mon corps car il ne m’avait jamais appartenu. Il appartenait à l’image qu’en avaient fait mes agresseurs. Je le détestais car je n’avais jamais eu le temps de me l’approprier, on me l’avait pris de force.

Et depuis j’ai moins cette urgence à me faire tatouer, ce manque que j’avais tant au tout début. Bien sûr je continue mais de manière plus raisonnée et plus en mode course à me dire qu’il faut absolument recouvrir toute surface de peau vierge sur mon corps. Aujourd’hui je me fais tatouer mes combats, mes victoires, tels de petits post it pour me dire « Ok, tu l’as fait, tu en es capable, do it !« 

Et finalement le temps passe et j’accepte enfin de me regarder dans un miroir. Evidemment je ne vais pas dire que je m’aime ou que je me trouve belle mais la vue de mon corps est devenue acceptable grâce à mes tatouages. Parce que c’est moi qui les ai choisi et qui ai décidé de faire de mon corps une toile dont je tiens le pinceau que personne ne pourra m’enlever.

Laisser un commentaire